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Cent poèmes d'Aimé Césaire
Aimé Césaire a écrit je cite :
" Le miracle d'une parole entendue par tous, quelle joie".
Je me suis penchée sur les œuvres d'Aimé Césaire à l'occasion de sa disparition le 17 avril 2008, il avait 95 ans (1913-2008).
Vous trouverez dans cet article des extraits de poèmes et textes d'Aimé Césaire que j'apprécie et qui me touchent.
Fort de France lui a rendu un grand hommage, à juste titre en effet, il fut le maire de Fort de France durant 56 ans et conserva durant 48 ans son mandat de député.
En parcourant la ville de Fort de France et l'aéroport "Aimé Césaire", j'ai pris de nombreuses photos de textes de Césaire inscrits sur grandes affiches et voulu écrire un petit texte d'hommage qui exprime mon sentiment à son égard.
Index
Les poèmes d'Aimé Césaire sur supports livre et CD
Recueil : Pigments Névralgies : Solde de Léon-Gotran Damas
Aimé césaire qui es-tu?
Mon texte en hommage à ce grand homme
A I M E
Aimé et apprécié de tous, poète, engagé en politique,
tu représentes la Martinique
Insolite et imprévisible, tu mets sur pages blanches,
à l’encre noire, tes pensées en textes lyriques
Montrant la condition des noirs, "Cahier d’un retour au pays natal" dénonce les attitudes
Esprit libre, tu transformes la honte du nègre en fierté, par ce courant littéraire et politique, la négritude
C E S A I R E
Comme un père, tu instruis, nourris et loges les campagnards exilés en les installant sur les hauts
En communion avec l’Afrique, tu embrasses, rétablis l’identité culturelle créole et allumes le flambeau
Sur les bancs de l’assemblée, tu donnes ta définition de l’égalité
Ambassadeur de paix, par ta poésie tu véhicules la justice ; et lumière noire, tu éclaires l’opprimé
Icône, beauté du langage, force poétique, tu donnes à penser par le théâtre, tu as ce charisme
Réveilleur de conscience, tu dénonces les crimes par ce pamphlet, discours sur le colonialisme
En Césaire, habite le poète du métissage culturel et l’humaniste ; tu es nègre fondamental
HOMMAGE
Humaniste
Oeuvre
Militant
Médiateur
Audacieux
Génie
Evocateur
Aimé Césaire, une île d'avanceDocumentaire France Ô
Les poèmes d'Aimé Césaire sur support livre et CD
Voici un panel des poèmes d'Aimé Césaire que j'affectionne, une invitation au voyage dans cette nature tropicale qu'il appréciait tant... que je vous invite à partager.
Césaire a le verbe haut en nature, de la botanique à la géologie, Césaire décrit et transcrit la nature qu'il aime à travers ses poèmes.
Ces poèmes sont issus principalement du livre "Cent poèmes d'Aimé Césaire" de Daniel Maximin aux Ed. Omnibus.
"Cent poèmes d'Aimé Césaire"
Les poèmes d'Aimé Césaire ont été mis en musique par Tony Chasseur sur CD intitulés "Insurrection perlière" Vol. 1 et Vol. 2.
Les artistes ayant participé à ce projet sont Guillaume et Jacky Bernard, Mario Canonge, Tony Chasseur, Chris Combette, Thierry Fanfant, Jean-Christophe Maillard, Alain Ravaud, Chyco Siméon, Thierry Vaton...ect.
Je vous recommande ces deux volumes, je les écoute avec délice!
CD "Insurrection perlière"
(Cliquez sur les images pour les agrandir)
Place aux poèmes
J'ai capté les photos qui agrémentent les textes d'Aimé Césaire, principalement à l'aéroport Aimé Césaire et en centre ville de Fort de France.
Celles de l'aéroport forment un très beau travail de juxtaposition de visages!
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Moi, laminaire : Transmission
Le surplus,
je l’avais distribué aux rides des chemins
à l’acharnement des ravins
les forces ne s’épuisent pas si vite
quand on n’en est que le dépositaire fragile.
qui combien aux prix de quels hasards
les avaient amassées?
un signe
un rien
une lueur au bas du ciel
une flamme née du sol
un tremblement de l’air
le signe que rien n’est mort
je hurlais:
vous n’avez pas le droit de laisser couper
le chemin de la transmission
je hurlais:
la bouffonnerie des neurones
suffit à mettre hors de cause l’état de la caldéira
je hurlais au violent éclatement
cependant le temps me serpait dur
jusqu’à la racine intacte.
Moi laminaire
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Comme un malentendu de salut : Parole due
Combien de fleuves
de montagnes
de mers
de désastres
penser combien de siècles
les forêts
parole due:
l'enlisement s'enroule
seul le dur est arable
danse mémoire danse éligible
l’invivable en son site
Avance devance
laisse à l'horizon s'assoupir la caravane des mornes
le lion au nord qu'il éructe ses entrailles
au carrefour parmi la lave qui trop vite refroidit
tu rencontreras l 'enfant
c'est le vent qu'il s'agit
de l'élan du poumon accompagne-le longtemps
avance
en chemin
sans écarter les chiens
le vent par toi vivant par toi-même les acharne
de tout ce que de montagne il s'est bâti en toi
construis chaque pas déconcertant
la pierraille sommeilleuse
ne dépare pas le pur visage de l’avenir
bâtisseur d’un insolite demain
que ton fil ne se noue
que ta voix ne s’éraille
que ne confinent tes voies
Avance
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Moi, laminaire : Algues
La relance ici se fait
par le vent qui d’Afrique vient
par la poussière d’alizé
par la vertu de l’écume
et la force de la terre
nu
l’essentiel est de se sentir nu
de penser nu
la poussière d’alizé
la vertu de l’écume
et la force de la terre
la relance ici se fait par l’influx
plus encore que par l’afflux
la relance
se fait
algue laminaire
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Moi, laminaire : Dorsale bossale
Il y'a des volcans qui se meurent
Il y'a des volcans qui demeurent
Il y'a des volcans qui ne sont là que pour le vent
Il y'a des volcans fous
Il y'a des volcans ivres à la dérive
Il y'a des volcans qui vivent en meutes et patrouillent
Il y'a des volcans dont la gueule émerge de temps en temps
véritables chiens de la mer
Il y'a des volcans qui se voilent la face
toujours dans les nuages
Il y'a des volcans vautrés comme des rhinocéros fatigués
dont on peut palper la poche galactique
Il y a des volcans pieux qui élèvent des monuments
à la gloire des peuples disparus
Il y'a des volcans vigilants
Il y'a des volcans qui aboient,
montant la garde au seuil du Kraal des peuples endormis
Il y'a des volcans fantasques qui apparaissent et disparaissent
(ce sont jeux lémuriens)
Il ne faut pas oublier ceux qui ne sont pas les moindres
les volcans qu'aucune dorsales n'a jamais repérés
et dont la nuit les rancunes se construisent
Il y'a des volcans dont l'embouchure est à la mesure
exacte de l'antique déchirure
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Moi, laminaire : La force de regarder demain
Les baisers des météorites
le féroce dépoitraillement des volcans à partir
de jeux d'aigle
la poussée des sous-continents arcs-boutés
eux aussi aux passions sous-marines
la montagne qui descende ses cavalcades à grand galop
de roches contagieuses
ma parole capturant des colères
soleils à calculer mon être
natif natal
cycopes violets des cyclones
n'importe l'insolent tison
silex haut à brûler la nuit
épuisée d'un doute à renaître
la force de regarder demain
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Moi, laminaire : Faveur
Je croise mon squelette
qu’une faveur de fourmis manians porte à sa demeure
(tronc de baobab ou contrefort de fromager)
il va sans dire que j’ai eu soin de ma parole
elle s’est blottie au coeur d’un nid de lianes
noyau ardent d’un hérison végétal
c’est que je l’ai instruite depuis longtemps
à jouer avec le feu entre les feux
et à porter l’ultime goutte d’eau sauvée
à une quelconque des lointaines ramifications du soleil
soleil sommeil
quand j’entendrai les premières caravanes de la sève
passer
peinant vers les printemps
être dispos encore
vers un retard d’îles éteintes et d’assoupis volcans
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Moi, laminaire : Mot-macumba
Le mot est père des saints
le mot est mère des saints
avec le mot « couresse » on peut traverser un fleuve
peuplé de caïmans
il m’arrive de dessiner un mot sur le sol
avec un mot frais on peut traverser le désert
d’une journée
il y a des mots bâton-de-nage pour écarter les squales
il y a des mots iguanes
il y a des mots subtils ce sont des mots phasmes
il y a des mots d’ombre avec des réveils en colère
d’étincelles
il y a des mots Shango
il m’arrive de nager de ruse sur le dos d’un mot dauphin
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Cadastres : Soleil et eau
Mon eau n’écoute pas
mon eau chante comme un secret
Mon eau ne chante pas
mon eau exulte comme un secret
Mon eau travaille
et à travers tout roseau exulte
jusqu’au lait du rire
Mon eau est un petit enfant
mon eau est un sourd
mon eau est un géant qui te tient sur la poitrine un lion
ô vin
vaste immense
par le basilic de ton regard complice et somptueux
Cadastre
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Comme un malentendu de salut : Vertu des lucioles
Ne pas désespérer des lucioles
je reconnais là la vertu.
les attendre les poursuivre
les guetter encore.
le rêve n’est pas de les fixer flambeaux
ni qu’elles se répondent en des lumières non froides
je suis d’ailleurs sûr que la reconversion se fait
quelque part pour tous ceux
qui n’ont jamais accepté cette stupeur de l’air
la communication par hoquets d’essentiel
j’apprécie qu’elle se fasse à tâtons
et par paroxysme
au lieu de quoi elle sombrerait inévitablement
dans l’inepte bavardage de l’ambiant marécage
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Ferrements : Pour saluer le Tiers Monde
Ah!
mon demi-sommeil d'île si trouble
sur la mer !
Et voici de tous les points du péril
l'histoire qui me fait le signe que j'attendais,
Je vois pousser des nations.
Vertes et rouges, je vous salue,
bannières, gorges du vent ancien,
Mali, Guinée, Ghana
et je vous vois, hommes,
point maladroits sous ce soleil nouveau !
Ecoutez :
de mon île lointaine
de mon île veilleuse
je vous dis Hoo !
Et vos voix me répondent
et ce qu'elles disent signifie : « Il y fait clair ». Et c'est vrai :
même à travers orage et nuit pour nous il y fait clair…
Et je redis : Hoo mère !
et je lève ma force
inclinant ma face.
Oh ma terre !
que je me l'émiette doucement entre pouce et index
que je m'en frotte la poitrine, le bras,
le bras gauche, que je m'en caresse le bras droit.
Hoo ma terre est bonne,
ta voix aussi est bonne
avec cet apaisement que donne
un lever de soleil !
Terre, forge et silo. Terre enseignant nos routes,
c'est ici, qu'une vérité s'avise,
taisant l'oripeau du vieil éclat cruel.
Vois:
l'Afrique n'est plus
au diamant du malheur
un noir cœur qui se strie ;
notre Afrique est une main hors du ceste,
c'est une main droite, la paume devant
et les doigts bien serrés ;
c'est une main tuméfiée,
une-blessée-main-ouverte,
tendue,
brunes, jaunes, blanches, à toutes mains,
à toutes les mains blessées
du monde.
Ferrements
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Moi, laminaire : Calendrier lagunaire
J’habite une blessure sacrée
j’habite des ancêtres imaginaires
j’habite un vouloir obscur
j’habite un long silence
j’habite une soif irrémédiable
j’habite un voyage de mille ans
j’habite une guerre de trois cent ans
j’habite un culte désaffecté entre bulbe et caïeu
j’habite l’espace inexploité
j’habite du basalte non une coulée
mais de la lave le mascaret
qui remonte la calleuse à toute allure
et brûle toutes les mosquées
je m’accommode de mon mieux de cet avatar
d’une version du paradis absurdement ratée
- c’est bien pire qu’un enfer-
j’habite de temps en temps une de mes plaies
chaque minute je change d’appartement
et toute paix m’effraie
tourbillon de feu
ascidie comme nulle autre pour poussières
de mondes égarés
ayant craché volcan mes entrailles d’eau vive
je reste avec mes pains de mots et mes minerais secrets
j’habite donc une vaste pensée
mais le plus souvent je préfère me confiner
dans la plus petite de mes idées
ou bien j’habite une formule magique
les seuls premiers mots
tout le reste étant oublié
j’habite l’embâcle
j’habite la débâcle
j’habite le pan d’un grand désastre
j’habite souvent le pis le plus sec
du piton le plus efflanqué- la louve de ces nuages-
j’habite l’auréole des cétacés
j’habite un troupeau de chèvres tirant sur la tétine
de l’arganier le plus désolé
à vrai dire je ne sais plus mon adresse exacte
bathyale ou abyssale
j’habite le trou des poulpes
je me bats avec un poulpe pour un trou de poulpe
frères n’insistez pas
vrac de varech
m’accrochant en cuscute
ou me déployant en porona
c’est tout un
et que le flot roule
et que ventouse le soleil
et que flagelle le vent
ronde bosse de mon néant
la pression atmosphérique ou plutôt l’historique
agrandit démesurément mes maux
même si elle rend somptueux certains de mes mots.
Extrait du Calendrier lagunaire,
voix Nicole Dogué, composition Tony Chasseur,
"Insurrection perlière Vol 1"
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Les armes miraculeuses : Les pur-sang
Néant de jour
Néant de nuit
Une attirance douce
A la chair même des choses
Eclabousse.
Jour nocturne
Nuit diurne
qu’exsude
la Plénitude
Ah
"Le dernier des soleils tombe.
où se couchera t'il sinon en moi ?
A mesure que se mourrait toute chose,
je me suis, je me suis élargi - comme le monde -
et ma conscience plus large que la mer !
Dernier soleil.
J'éclate. Je suis le feu. Je suis la mer.
Le monde se défait. Mais je suis le monde
La fin, la fin disons-nous.
Quelle sottise. Une paix proliférante
d’obscures puissances.
Branchies opacules palmes syrinx pennes.
Il me pousse invisibles et instants par tout le corps,
secrètement exigés, des sens,
et nous voici pris dans le sacré
tourbillonant ruissellement primordial
au recommencement de tout.
La sérénité découpe l'attente en prodigieux cactus.
Tout le possible sous la main.
Rien d’exclu.
Et je pousse, moi, l’homme
stéatopyge assis
en mes yeux des reflets de marais, de honte,
d’acquiescement
- pas un pli d’air ne bougeant aux
échancrures de ses membres -
Sur les épines séculaires
je pousse, comme une plante
sans remords et sans gauchissement
vers les heures dénouées du jour
pur et sûr comme une plante
sans crucifiement
vers les heures dénouées du soir
La fin !
Mes pieds vont le vermineux cheminement
plante
mes membres ligneux conduisent d’étranges sèves
plante plante
et je dis
et ma parole est paix
et je dis et ma parole est terre
et je dis
et
la joie
éclate dans le soleil nouveau
et je dis :
par de savantes herbes le temps glisse
les branches picoraient une paix de flammes vertes
et le terre respira sous la gaze des brumes
et la terre s'étira. Il y eut un craquement
à ses épaules nouées.
Il y eut dans ses veines un pétillement de feu.
Son sommeil pelait comme un goyavier d'août
sur de vierges îles assoiffées de lumière
et la terre accroupie dans ses cheveux
d'eau vive
au fond de ses yeux attendit
les étoiles.
« dors, ma cruauté », pensai-je
L’oreille collée au sol, j’entendis
Passer Demain.
Les armes miraculeuses
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Soleil cou coupé : La roue
La roue est la plus belle découverte de l'homme et la seule
il y a le soleil qui tourne
il y a la terre qui tourne
il y a ton visage qui tourne sur l'essieu de ton cou quand
tu pleures
mais vous minutes n 'enroulerez-vous pas sur la bobine à
vivre le sang lapé
l'art de souffrir aiguisé comme des moignons d'arbre par les
couteaux de l'hiver
la biche saoule de ne pas boire
qui me pose sur la margelle inattendue ton
visage de goélette démâtée
ton visage
comme un village endormi au fond d'un lac
et qui renaît au jour de l'herbe et de l'année
germe
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Une tempête
J'ai déraciné le chêne, soulevé la mer,
ébranlé la montagne, et bombant
ma poitrine contre le sort contraire,
j'ai répondu à Jupiter foudre pour foudre.
Mieux ! De la brute, du monstre, j'ai fait l'homme !
Mais oh !
D'avoir échoué à trouver le chemin
du cœur de l'homme, si du moins c'est là l'homme.
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Cahier d'un Retour au pays natal
...Partir.
Mon cœur bruissait de générosités emphatiques.
Partir
j'arriverais lisse et jeune dans ce pays mien et
je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair :
« J'ai longtemps erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies ».
Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : Embrassez-moi sans crainte...
Et si je ne sais que parler, c'est pour vous que je parlerai».
Et je lui dirais encore :
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche,
ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir. »
Et venant je me dirais à moi-même :
« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme,
gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur,
car la vie n'est pas un spectacle,
car une mer de douleurs n'est pas un proscenium,
car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse... »
Et voici que je suis venu ! ...
... Et voici au bout de ce petit matin ma prière virile
que je n’entende ni les rires ni les cris, les yeux fixés
sur cette ville que je prophétise, belle,
donnez-moi la foi du sauvage du sorcier
donnez à mes mains puissance de modeler
donner à mon âme la trempe de l'épée
je ne me dérobe point.
Faites de ma tête une tête de proue
et de moi-même mon cœur,
ne faites ni un père, ni un frère, ni un fils,
mais le père, mais le frère, mais le fils,
ni un mari, mais l’amant de cet unique peuple.
Faites-moi rebelle à toute vanité, mais docile à son génie
comme le poing à l’allongée du bras!
Faites-moi commissaire de son sang
faites-moi dépositaire de son ressentiment
faites de moi un homme de terminaison
faites de moi un homme d’initiation
faites de moi un homme de recueillement
mais faites aussi de moi un homme d’ensemencement
faites de moi l’exécuteur de ces œuvres hautes
voici le temps de se ceindre les reins comme un vaillant homme
Mais les faisant, non cœur, préservez-moi de toute haine
ne faites point de moi cet homme de haine pour qui je n'ai que haine
car pour me cantonner en cette unique race
vous savez pourtant mon amour tyrannique
vous savez que ce n'est point par haine des autres races
que je m'exige bêcheur de cette unique race
que ce que je veux,
c’est pour la faim universelle
pour la soif universelle
la sommer libre enfin
de produire de son intimité close
la succulence de fruits.
Et voyez l’arbre de nos mains !
il tourne, pour tous, les blessures incises
en son tronc
pour tous le sol travaille
et griserie vers les branches de précipitation parfumée !
Mais avant d’aborder aux futurs vergers
donnez-moi de les mériter sur leur ceinture de mer
donnez-moi mon cœur en attendant le sol
donnez-moi sur l’océan stérile
mais où caresse la main la promesse de l’amure
donnez-moi sur cet océan divers
l’obstination de la fière pirogue
et sa vigueur marine...
... Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi,
les cheveux dans le vent,
ma main petite maintenant dans son poing énorme
et la force n’est pas en nous, mais au-dessus de nous,
dans une voix qui vrille la nuit
et l’audience comme la pénétrance d’une guêpe apocalyptique.
Et la voix prononce que l’Europe
nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences,
car il n’est point vrai que l’oeuvre de l’homme est finie
que nous n’avons rien à faire au monde
que nous parasitons le monde qu’il suffit
que nous nous mettions au pas du monde
mais l’oeuvre de l’homme vient seulement de commencer
et il reste à l’homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur
et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l’intelligence, de la force
et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête
et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre
éclairant la parcelle qu’à fixée notre volonté seule
et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite...
Cahier d'un retour au pays natal
Dans l'article consacré au "Chanté Noël" rubrique "Racine" vous apprécierez un nouvel extrait du cahier d'un retour au pays natal : "Noël n'était pas comme toutes les fêtes... ".
Cahier d'un retour au pays natal
Je terminerais par ce très beau poème non pas de Césaire mais de Léon-Gontran Damas, poème dédié à Aimé Césaire :
Recueil : Pigments Névralgies : Solde
J'ai l'impression d'être ridicule
Dans leurs souliers
Dans leurs smoking
Dans leur plastron
Dans leur faux-col
Dans leur monocle
Dans leur melon
J'ai l'impression d'être ridicule
Avec mes orteils qui ne sont pas faits
Pour transpirer du matin jusqu'au soir qui déshabille
Avec l'emmaillotage qui m'affaiblit les membres
Et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe
J'ai l'impression d'être ridicule
avec mon cou en cheminée d'usine
avec ces maux de tête qui cessent
chaque fois que je salue quelqu'un
J'ai l'impression d'être ridicule
dans leurs salons
dans leurs manières
dans leurs courbettes
dans leur multiple besoin de singeries
J'ai l'impression d'être ridicule
avec tout ce qu'ils racontent
jusqu'à ce qu'ils vous servent l'après-midi
un peu d'eau chaude
et des gâteaux enrhumés
J'ai l'impression d'être ridicule
avec les théories qu'ils assaisonnent
au goût de leurs besoins
de leurs passions
de leurs instincts ouverts la nuit
en forme de paillasson
J'ai l'impression d'être ridicule
parmi eux complice
parmi eux souteneur
parmi eux égorgeur
les mains effroyablement rouges
du sang de leur ci-vi-li-sa-tion
Cit'Action
« J'ai plié la langue française à mon vouloir-dire »
Aimé Césaire
Resplendissante fleur de Broméliacées (Bilbergia Pyramidalis),
au Parc Culturel Aimé Césaire de Fort de France!
Tags : aimé césaire, cahier d un retour au pays natal, moi laminaire, cadastre, ferrements, armes miraculeuses, comme un malentendu du salut, afrique, antille
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Commentaires
3Lune7Jeudi 21 Mars 2013 à 18:415Myl10Lundi 17 Juin 2013 à 16:55Bravo et merci pour ce condensé qui nous rend plus sensibles à l'oeuvre de ce grand MONSIEUR . Son écriture apparaît bien plus conviviale et abordable . . .
Merci encore ...
Je suis toute joie de savoir que vous aussi appréciez vous aussi, Myl10, les poèmes d'Aimé Césaire. Je trouvais sensationnel ces mots sur les affiches, ces extraits de poèmes sont captivants et riches en métaphore Et...tout comme vous, j'ai redécouvert les poèmes de Césaire avec un oeil nouveau. Je les partage avec plaisir avec vous. Bien à vous! Jacky
7ChristopheSamedi 8 Février 2014 à 13:41Merci Christophe, le plaisir est dans l'amour du partage! Les textes d'Aimé Césaire sont d'une douce beauté, quand bien même certaines de ses phrases demandent mûre réflexions.
Ma fille en classe de seconde a choisi "Cahier d'un retour au pays natal" dans la liste des livres proposés par son prof de français. Ce choix, je le trouve judicieux et courageux et bien sûr celui-ci m'a fait énormément plaisir. Tout à vous Christophe et au plaisir de vous lire à nouveau! Jacky
9TERONSamedi 9 Mai 2015 à 11:45Depuis longtemps je méconnaissais! A ma porté mais seulement présent, je n'ai pas tendu la main et je viens seulement d'ouvrir les yeux...Je m'occupais de tous mais la beauté des textes d'Aimé Césaire viennent de me saisir...je ne me sauverai plus que Dieu me garde la vie sous la sagesse des écrits d'un tel maître...bizarement je me sens bien je prends le chemin..............
Bonjour et merci Teron pour votre très bel avis. Aimé Césaire est un grand poète, un maître à penser et surtout un visionnaire. C'est ainsi que nous avons dans ses écrits moultes messages avec lesquels nous pouvons nous ressourcer, trouver inspirations, nous imprégner de ce don linguistique qu'il nous a offert pour notre plus grand plaisir mais aussi pour progresser dans notre vie. L'écouter, le lire, le relire encore et encore, n'est-ce pas sensationnel! Bien à vous! Jacky
11rauJeudi 17 Septembre 2015 à 21:5213god bless youLundi 9 Novembre 2015 à 08:41good man15Jean-GastonVendredi 1er Juillet 2016 à 10:30Bonjour et merci pour m'avoir permis de redécouvrir Aimé Césaire, j'en ai la gorge nouée. Pendant ma scolarité primaire et surtout secondaire, accaparé par les auteurs imposés, je n'ai fait qu'effleurer Frantz Fanon, Senghor, Nkrumah (la liste est longue) et bien sûr Aimé Césaire.
Le relire encore et encore, n'est-ce pas rafraîchissant et sublime !
Encore une fois, merci ! Jean-Gaston
Bonjour et merci Jean-Gaston pour votre pensée. Tout comme vous, durant mes années scolaires, j'ai été abreuvée d'auteurs Français de l'hexagone que j'ai grandement appréciés (les souvenirs poétiques sont encore bien présents dans ma mémoire), mais de même, j'aurai aimé apprendre une autre palette colorée et imagée d'auteurs Caribéens dans la mouvance Aimé Césaire.
Grand merci à la ville de Fort de France pour avoir eu la merveilleuse idée d'afficher le long de la route les textes d'Aimé Césaire en grands formats en son hommage.
En me rendant et en sortant du travail je prenais plaisir à jeter un coup d'œil attentif sur chaque brin de poèmes qui jalonnait mon parcours, ces quelques extraits m'ont ouvert l’appétit, je les vois encore dans ma mémoire. Bien à vous, Jacky
17SamSamedi 18 Février 2017 à 08:56Que ne perdons nous le temps à lire des livres qui ne nous aident en rien ou qui nous formatent et parfois nous déconstruisent pour nous préparer à ne jouer que le rôle que la société capitaliste infernale nous réserve à savoir celui d’esclave qui sert pour survivre ; heureusement qu’un jour on finit par tomber sur ces vrais livres de vie, qui nous permettent de mieux nous comprendre et de mieux aimer la vie ! Merci de me faire redécouvrir !
Bonjour Sam, merci pour ces belles réflexions! En effet, c'est bien plus réjouissant et exaltant d'être acteur de sa vie qu'esclave des désirs d’autrui, qui inéluctablement laissera la place à un sentiment de grande frustration, ouvrant la voie à de désordres psychologiques et physiologiques.
La volonté des autres ne nous correspondra jamais étant donné que chaque être humain est unique et de se fait se doit de suivre sa propre voie selon ses désirs propres.
Néanmoins, se reposer sur les pensées et savoirs des sages est important, Aimé Césaire en fait partie! Dans ce sens les lectures nous forgent le caractère et nous permettent de nourrir et murir notre réflexion.
Mais en fin de compte, après toutes ces riches et instructives lectures, c'est uniquement notre propre choix qui importe, celui venant du cœur qui émane de notre intuition et nos ressentis.
Je trouve les livres si fascinants et précieux que j'ai du mal à m'en séparer. Il m'arrive souvent de les relire à nouveau et de découvrir de nouvelles données auxquelles je n'avais pas prêtées attention.
Bien à vous! Jacky
Merci de partager ces extraits de poèmes d'Aimé Césaire et le poème de Léon-Gontran Damas en hommage à Césaire. Aimé Césaire était un écrivain et poète majeur de la négritude, et ses œuvres ont eu un impact significatif sur la littérature francophone et la compréhension de la négritude comme mouvement culturel et littéraire. Les extraits que vous avez partagés reflètent sa passion pour la Martinique, la nature, la culture créole et les questions sociales, ainsi que son engagement en faveur de la justice et de l'égalité. Merci pour cette belle contribution à la célébration de son œuvre.
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